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Quand l’ambition se heurte à la compression

Par Catherine Bernard-Lapointe, M. Sc., conseillère, rémunération globale, Gallagher et Guillaume Paradis, M. Sc., conseiller, rémunération globale, Gallagher


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En rémunération comme dans bien des domaines, rien ne fonctionne en silo. Plusieurs variables sont interdépendantes et parfois fortement corrélées. L’emploi détermine le salaire, le boni et la valeur de certains avantages. Le marché influence les échelles salariales et, conséquemment, le niveau des salaires. L’inflation influence les augmentations. Le plein emploi impose de nouvelles mesures, etc.

C’est ce qui se produit avec la compression salariale, une situation où plusieurs variables peuvent faire pression sur les salaires et créer des déséquilibres, au point de nuire à l’équité. C’est un phénomène qui, bien qu’il ne soit pas nouveau, s’observe maintenant à plus grande échelle, non seulement à travers les secteurs d’activité, mais aussi à travers les niveaux hiérarchiques. C’est également un phénomène qui commence à causer de sérieux maux de tête aux organisations. Voyons pourquoi et comment y remédier.

Qu’est-ce que la compression salariale?

La compression salariale survient lorsque l’écart de salaire entre des employés qui occupent des emplois de différents niveaux dans la même famille d’emploi, ou entre des employés de niveaux hiérarchiques différents est perçu comme étant insuffisant, et donc inéquitable. C’est une situation qui, dans le premier cas, peut agir comme un facteur de démotivation et, dans le second, comme un frein à l’ambition professionnelle.

Prenons l’exemple d’un superviseur qui se voit offrir un poste de directeur. Si l’écart de salaire et de traitement (heures supplémentaires rémunérées, primes, bonis, vacances, etc.) n’est pas perçu comme étant assez grand et ne reflète pas les responsabilités et la charge de travail supplémentaires associées au nouveau rôle, on parle alors de compression salariale. Dans ce contexte, bien que certains employés puissent tout de même accepter une promotion s’ils sont fortement motivés par leur perfectionnement professionnel, on constate qu’ils optent de plus en plus pour le statu quo.

Tel que mentionné, le phénomène de la compression salariale n’est pas nouveau, puisqu’il s’observait notamment dans les milieux syndiqués. Cependant, nos observations récentes nous indiquent qu’il s’étend maintenant aux milieux non syndiqués, et en particulier aux premiers niveaux de gestion.

La compression salariale devient donc un enjeu supplémentaire pour les organisations qui ont déjà du mal à pourvoir des postes clés, et plusieurs d’entre elles en arrivent même à se questionner sur la nécessité de revoir leur structure salariale ou leur architecture d’emplois.

Quelles sont les causes possibles de la compression salariale?

Plusieurs facteurs peuvent mener à une situation de compression des salaires, notamment :

  • L’augmentation du salaire minimum

    L’écart entre les salaires se rétrécit lorsque l’augmentation du salaire minimum engendre une augmentation du taux minimum d’une échelle sans que son taux maximum augmente de façon proportionnelle, ce qui crée parfois un déséquilibre entre le salaire des employés nouvellement embauchés et le salaire des plus anciens.

  • Le chevauchement des échelles salariales

    Lorsque la structure salariale comporte des chevauchements importants au niveau des échelles (souvent parce qu’il y a un nombre élevé de classes), il y a un risque substantiel de faire face, tôt ou tard, à des enjeux de compression salariale.

  • Les augmentations salariales « sélectives »

    Dans le contexte actuel où la majorité des organisations font face à des enjeux importants d’attraction et de fidélisation, plusieurs d’entre elles se voient forcées d’accorder des augmentations salariales sur une base sélective, et ce, pour différentes raisons, notamment :

    • Lorsqu’une augmentation du salaire minimum entraîne une augmentation de salaire pour les emplois qui sont déjà rémunérés au-dessus du taux minimum; on parle alors d’un effet d’émulation ou d’entraînement qui peut faire pression sur les échelles;
    • Lorsqu’une rémunération plus élevée doit être versée à des employés peu expérimentés afin de pallier une rareté de main-d’œuvre pour certains postes précis;
    • Lorsque des augmentations salariales plus élevées doivent être versées pour certains emplois en réponse à des revendications syndicales.

Quelle qu’en soit la cause, la compression salariale peut avoir des effets néfastes sur le climat de travail et compromettre le succès d’une organisation. D’une part, certains cadres pourraient se sentir lésés face à leurs subalternes qui touchent un salaire presque identique, ce qui pourrait augmenter le taux de roulement. D’autre part, certains employés pourraient se sentir démotivés ou limités dans leur volonté de progresser dans l’organisation, ce qui pourrait mener à une sous-utilisation de leur plein potentiel et à des postes vacants durant de plus longues périodes.

Comment remédier à une problématique de compression salariale?

Quand on fait face à une problématique de compression salariale, quelques pistes de solutions peuvent être envisagées :

  • S’assurer que les employés qui semblent affectés par la compression salariale sont bien positionnés dans leur échelle. Certaines organisations ont des règles bien précises pour déterminer le nouveau salaire lors d’une promotion. Cela constitue une contrainte qui crée de la compression, tandis que l’échelle salariale permettrait de créer suffisamment d’écart entre deux niveaux.
  • Examiner la structure salariale actuelle. Les échelles salariales sont-elles suffisamment larges? Se chevauchent-elles? On devrait s’assurer, en fonction de l’étendue des échelles, d’avoir un écart suffisant entre chacun des taux d’emplois des échelles.
  • Réduire le nombre de classes d’emploi. Le fait d’avoir moins de classes, et donc moins d’échelons hiérarchiques, permet d’augmenter les écarts entre les classes. Cela entraîne parfois une redéfinition des emplois.
  • Revoir les taux maximums des échelles. Pour ce faire, il faut d’abord s’assurer que le taux de salaire maximum établi pour chacune des échelles salariales est concurrentiel au marché. Ensuite, il faut confirmer que l’organisation a non seulement la capacité, mais aussi la volonté de payer un employé à ce taux.
  • Revoir l’offre globale de rémunération. Même si le salaire demeure l’élément central de la rémunération, les employés accordent aujourd’hui de plus en plus d’importance à d’autres composantes de la rémunération globale, comme les avantages sociaux, les possibilités de perfectionnement et l’environnement de travail. Les dirigeants et les professionnels des RH ont donc tout avantage à utiliser et à faire valoir tous les éléments de leur « coffre à outils » pour motiver les employés à fort potentiel à évoluer au sein de l’entreprise.

À retenir

La compression salariale est un phénomène qui touchait auparavant un nombre limité d’organisations et qui semble s’étendre aujourd’hui à différents types d’organisations, à différents contextes et à différents niveaux hiérarchiques.

C’est une problématique qui ne doit pas être prise à la légère, puisqu’elle peut générer des frustrations, de la démobilisation et même des démissions, en plus de compromettre les efforts de recrutement interne pour pourvoir des postes clés dans l’organisation.

Plusieurs moyens sont à considérer pour y remédier, mais l’objectif ultime reste le même. Il faut s’assurer de maintenir un écart de rémunération qui est perçu comme équitable et qui reflète le niveau de responsabilités et la charge de travail.

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Organisé par

Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

Présenté par

Normandin Beaudry

En collaboration avec

Gallagher
Solertia
Telus Santé